Takeshi Miura † Murasaki Rin

Biiiiiiiiiiiip... Biiiiiiiiiiiiip... Biiiiiiiiiiiiiiiiiiiip

Rin remua dans son sommeil agité. Il était l'heure de se réveiller, mais tout ses membres étaient lourds, fatigués. Devait-elle vraiment se lever ? Était-ce indispensable ? Les yeux fermés, profitant encore un peu de la chaleur du lit et de la douceur des draps, elle essayait de se souvenir si elle avait cours ou pas. Impossible de savoir qu'elle jour il était, son esprit était trop embrumé. Ses rêves avaient été plus qu'étranges, vifs et colorés, presque effrayants, psychédéliques. Trop de sensations étranges, de couleurs agressives qui lui sautaient au visage, comme si des dizaines de personnes s'étaient mises à lui jeter des bombes de peinture en même temps. Sa tête était lourde, ses paupières bien scellées, elle n'avait aucune envie de se lever. Peut-être qu'avec un peu de chance, elle réussirait à se rendormir...

Biiiiiiiip.... Biiiiiiiiiiiip... Biiiiiiiiiiiip

Le bruit se faisait irritant. Elle tendit la main à tâtons vers sa table de chevet pour éteindre son réveil, quand elle se rendit compte que quelque chose de douleur eux la retenait, un picotement dans son bras, comme si elle était retenue par un fils. La brusque réalisation la frappa enfin, et elle ouvrit brusquement les yeux, découvrant autour d'elle une pièce totalement blanche, au lieu de sa chambre. Elle était à l'hôpital, sous perfusion, et le bruit agaçant était celui des machines mesurant son pouls et sa tension.

« Oh non... »

Elle essaya tant bien que mal de se remémorer les événements ayant pu la conduire là. Elle s'était levée ce matin pour aller faire des courses... Oui, elle prévoyait de cuisine un bon petit repas pour Shin le soir-même... Et en allant au marché... Quelque chose avait dû se produire en allant au marché. Se redressant sur ses coussins, elle jeta un œil à ses affaires, disposées sur sa table de chevet, à la recherche d'un indice, d'un quelque chose permettant à ses souvenirs de refaire surface.

Elle avait fait une crise, sans aucun doute. Mais sous quelle forme s'était-elle manifestée cette fois ? En allant au marché, elle se souvenait être particulièrement de bonne humeur, grâce au beau temps éclairant d'une lumière agréable les rues de Tokyo. Elle attendait son bus, à l'arrêt... Il était encore tôt, les rues n'étaient pas bondées. Mais Rin préférais justement faire les courses de bon matin, quand les produits étaient encore frais, et les étalages pas encore ravagés par tout les passants. Il n'y avait personne à l'arrêt de bus, à part un vieil homme encore ivre de la veille, qui sentait l'alcool à plein nez. Rin se souvenait s'être assise le plus loin de lui possible. Un frisson d'effroi avait parcouru son corps, et elle se sentait fiévreuse. En jetant un coup d'œil à l'homme, elle réalisa qu'il la fixait d'un regard vitreux. La jeune fille se sentait de plus en plus mal, faible, et alors que l'homme fit un mouvement pour se rapprocher, Rin tenta de se lever, mais ses jambes cédèrent sous son poid et elle tomba par terre. La tête lui tournait, et la rue autour d'elle bougeait, se déformant par vagues, comme sous l'influence d'une drogue étrange. Elle avait chaud, si chaud, tellement chaud. L'homme était maintenant penché au dessus d'elle, la fixant toujours, mais la japonaise n'arrivait pas à se concentrer sur lui. Des couleurs vives dansaient tout autour d'elle, l'enivrant, et les frissons se faisaient de plus en plus forts, comme des soubresauts, agitant son corps faible, au sol. Rin entendit des cris, et eux le temps d'apercevoir, entre deux formes étranges et colorées, une vieille dame frappant l'homme louche avec son sac à main. Et ensuite elle avait sombré dans un rêve dérangeant, et s'était retrouvée à l'hôpital.

Ne sachant rien de sa situation actuelle (ses membres étaient si lourds, s'était-elle blessée dans sa chute ?), elle tendit la main pour signaler qu'elle avait repris connaissance et appeler une infirmière. Mais ce fut un homme qui entra dans la salle. Habituée à ce genre de situations, Rin lui demande immédiatement, presque comme un automatisme:

« Que s'est-il passé ? Est-ce que je suis blessée ? »

Aujourd’hui, journée rare car journée calme comparé à d’habitude. On a des cas banals et nous ne sommes pas débordés en ce début de matinée. Mais encore une fois, j’avais parlé trop tôt puisqu’on nous signala un cas urgent qui allait arriver. J’espérai que çà n’allait pas être des accidentés de la route car c’était les patients qui arrivaient en moins bon état. Le brancard arrive et c’est avec stupeur que j’y découvre une jeune fille. Oui, c’est moi qui prends en charge ce patient vu que j’avais fini de m’occuper du petit que l’on avait opéré de l’appendicite. On m’expliqua vaguement que la jeune fille avait fait un malaise inexpliqué dans la rue alors qu’elle se faisait agresser par un pervers tôt ce matin. Hm … En tout cas, la jeune fille restait inconsciente. Puisque je ne pouvais pas trop savoir l’origine de son malaise, je la perfusai avec une poche qui la nourrissait car peut être avait-elle fait un malaise à cause d’une fringale ? Après tout, il était tôt lorsque l’accident c’était produit et peut être n’avait-elle pas pris de petit-déjeuner ? Elle avait aussi un des poignets enflés, certainement du à la chute. Je lui mis une autre poche mais cette fois ci d’antidouleur. Je la plaçais ensuite sous contrôle cardiaque puis je conduis le brancard dans une chambre au fond du couloir, éloigné du centre bruyant puisque pour se remettre la patiente avait vraisemblablement besoin de repos. On me remit les papiers d’identité que la jeune fille portait sur elle. Murasaki Rin, 20 ans, étudiante.


Quelques heures plus tard, le bipper de la chambre de mon étrange patiente retentit dans la salle des infirmiers. Je me précipitais vers le fond du couloir pour voir ma patiente qui avait donc repris connaissance. En arrivant de la chambre, je découvris une jeune fille qui ne semblait nullement surprise de se retrouver dans un lit d’hôpital.

- Que s'est-il passé ? Est-ce que je suis blessée ?

Hm ce n’était donc pas un malaise du à une fringale. Elle ne se souvient pas …

- Bonjour, vous avez été admise ici parce que vous avez fait un malaise en pleine rue qui, suite à vos réactions, ne me semble pas du à la faim … Pour ce qui est des blessures, votre poignet est enflé, cela peut être foulé ou cassé, nous allons passer les examens nécessaires, sinon rien de grave, vous vous en sortez avec quelques bobos.

Je la laissais assimiler les informations puis je repris :

- C’est une dame qui vous a secouru. Selon elle, un pervers a tenté de vous agresser mais elle est intervenue puis vous vous êtes évanouie juste après cela. Vous vous en rappelez Melle Murasaki ?

Je fixai son poignet mais ce n’était pas vraiment çà qui m’inquiété chez cette fille. C’était plutôt l’aura qu’elle dégageait. Pas aussi forte qu’un démon ou un ange mais plus puissant qu’un humain ordinaire comme j’en croise souvent dans mon service. Elle avait quelque chose en plus que les autres n’avait pas. Mais quoi ? Je ne saurai pas le dire mais je pense que çà à un rapport avec sa question qui sonner comme « je suis une habituée des hôpitaux, allez droit au but ». Hm il allait falloir que la questionne un peu.

- Dites moi Melle Murasaki … Rin c’est cela ? Cela vous arrive-t-il souvent de faire ds malaises sans explications ? Je suppose que ce n’est pas la première fois vu que vous ne paraissez pas surprise.

Rin se sentait cotonneuse, un peu dans les vapes. Si ses crises ne laissaient pas de réelles trace physiques après leur fin, elles fatiguaient cependant beaucoup la jeune fille. En attendant l'arrivée de l'infirmier, elle s'inspecta rapidement. Elle pouvait toujours bouger les jambes, plier les bras, tourner la tête et le bassin. A priori, rien de bien grave. Elle remarqua cependant, alors qu'elle tendait le bras pour appuyer sur le bouton pour appeler quelqu'un, une légère douleur dans son poignet. Certainement rien de grave.

Ce fut un jeune homme qui entra dans la salle. Il avait une allure particulière, avec ses cheveux teints en blonds platines. Rin était dans la même situation, alors elle n'était pas dans la meilleure position pour critiquer ses choix stylistiques, mais elle trouvait cependant cela étrange pour quelqu'un appartenant au corps médical.

Le jeune homme s'exprimer d'une voix douce et claire. Il paraissait expérimenté, il connaissait ce genre de situation... Il ne devait donc pas être si jeune qu'il en avait l'air. Rin l'avait soupçonné d'être certainement un stagiaire...

« Ce n'est pas un malaise à cause de la faim... J'ai pris un bon petit déjeuner ce matin, je vous l'assure! »

Elle lui lança un sourire sincère. Il n'avait aucun moyen de vérifier ses dires, si bien qu'à la fin, ne trouvant pas d'autre cause à son malaise, il indiquerait très certainement « malnutrition » sur son dossier, faute de mieux.
La jeune fille assimila les informations qu'il lui relayait. Elles coïncidaient avec les quelques souvenirs qu'elle avait de la scène.

« Je m'en souviens, oui. Vaguement. J'allais au marché... Et il y avait un homme. Je ne revois pas son visage mais... Il était louche. Ensuite... J'ai été prise d'un vertige et je suis tombée. C'est tout ce dont je me souviens. »

La jeune fille sentait le regard du jeune la scanner. Elle aurait pu se sentir outrée, mais son regard était clairement interrogateur et intrigué. Visiblement, lui non plus n'arriverait pas à diagnostiquer une cause à son malaise. Il semblait perplexe. Son malaise ne pouvaient pas être du à la faim, puisque Rin avait pris un monstrueux petit déjeuner avant de partir.

« Oui, j'ai déjà fait ce genre de malaises. Depuis que je suis toute petite, c'est une situation dans laquelle je me retrouve très souvent. »

Rin était las de raconter encore et toujours la même chose. Elle n'avait qu'une seule envie: s'enfuir de cet hôpital, cet endroit qu'elle détestait tant, dont l'odeur lui donnait la nausée.

« Malheureusement, ni vous, ni moi ne connaissons la raison de ces malaises. Des docteurs bien plus expérimentés que vous ont essayé de percer ce mystère, sans succès. Je suis visiblement un cas d'école. »

La jeune fille se redressa dans son lit, essayant de bouger son poignet malgré la douleur aiguë qui s'en dégageait. Elle s'en voulait d'avoir été un peu mesquine avec l'infirmier, le pauvre garçon n'y était pour rien, après tout, il ne faisait que son métier. Elle lui lança un regard plus doux, et plaisanta:

« Je suis peut-être tout simplement folle. Ou bien de mystérieuses forces surnaturelles opèrent sur moi ! »

Les réponses de la jeune femme me dépitait un peu. Elles reflétaient pour moi de la profonde mélancolie. La mélancolie de ne pas être comme tout le monde, qu'elle n'y pouvait rien et qu'il lui fallait accepter sa condition. Tout ce que j'avais rejeter avec ma condition d'ange. Et je n'aimais pas çà. Même si elle abordait un sourire, moi, tout cela me révoltait. Pour une fois, j'allais faire quelque chose que mon corps désapprouvait : zapper le moral du patient. Je me rapprochais de sa table et claquait mes mains dessus.

- Et alors ? Tu crois que c'est drôle ? Que c'est drôle de ne pas savoir ce que tu as ? Tu dis çà parce que tu es encore jeune mais plus tard … Tout çà te portera préjudice ! Ton employeur te licenciera à cause de tes problèmes de santé qu'il jugera abusif et ensuite ce ne sera qu'une chaîne infernale.

Elle avait l'air surprise de mes propos mais il fallait que je la fasse réagir.

- Ça ne te dirait pas d'avoir ton propre contrôle sur ta vie ? Et crois moi … Tu n'es pas si différente que çà … Des jeunes comme toi qui avaient des problèmes particuliers comme les tiens, j'en ai croisé certains. Certes, je ne peux pas faire en sorte que tes problèmes s'arrêtent du jour au lendemain mais je peux t'apprendre à les contrôler.

Elle semblait complètement perdue. Je sais que j'avais semé le trouble dans son esprit mais cette fille se fermait trop à cause de ses problèmes, çà se voit. Il ne faut pas qu'elle croit que ses problèmes iront mieux si elles les gèrent elle même. La clé, c'était peut être çà d'ailleurs, j'avais ma propre piste. Mais pour être sur que tout aller « bien » pour son corps, il fallait que je lui fasse subir quelques examens complémentaires dont certains n'était pas très drôle. Il fallait que j'ai sa confiance.

- Je suis de ton côté, je ne veux que ton bien … Pour moi, tu n'es pas une patiente, ni un cobaye de laboratoire ou un cas médical. Tu es une personne qui vit et qui ressent et qui voudrait peut être vivre et ressentir autre chose que ses soucis empêchent.

Je me tourne vers la fenêtre de la chambre.

- Tu n'as jamais eu envie d'aller au delà de toi même ?

Je marque une pause et je la regarde à nouveau.

- N'as tu pas des rêves ?

Je m'approche d'elle et je lui adresse un sourire rassurant.

- Je ne peux pas te garantir des résultats, juste de t'aider au maximum. Saches juste que tu n'es pas seule. Si tu as envie de parler, tu le peux, tu as entièrement le droit de t'exprimer, de pleurer, de crier et j'en passe.

Je tends ma main vers elle.

- Alors qu'en dis tu ? Acceptes tu mon aide ?

Rin examinait attentivement son poignet. La blessure ne semblait pas trop grave... Peut-être qu'elle arriverait à dissimuler ce petit incident à ses parents. Moins ils en savaient sur les conditions de santé de leur fille, mieux ils se portaient. Il serait idiot de les inquiéter inutilement pour une petit blessure au poignet. Mais cacher cet incident à Shin, le petit ami de Rin, serait une affaire plus délicate... Elle ne voulait pas qu'il se fasse du soucis pour elle... Elle avait décidément un don pour se retrouver dans des situations infernales dès qu'elle sortait sans lui, et elle ne voulait pas qu'il se sente obligé de jouer les gardes du corps pour elle. Le mystérieux jeune homme était déjà très occupé, il n'avait pas en plus besoin de baby-sitter sa petite amie maladroite.
Rin en était venue à un point où ce qui l'inquiétait le plus, dans ses crises, n'était pas sa propre santé, mais celle de ses proches, d'où son attitude blasée. Elle savait que ses parents se faisaient un sang d'encre pour elle, et que son petit ami souffrait très certainement de ne pas pouvoir avoir une relation « normale ». Elle s'était blessée tellement de fois, que sa principale préoccupation maintenant, était de ne plus blesser les autres.

Rin fut totalement prise de court par la réaction de l'infirmier. Du personnel du monde médical, elle en avait fréquenté... Mais jamais elle n'avait fait face à une telle réaction. Le jeune homme effectuait vraiment son métier avec une passion enflammée. Il avait raison. Elle savait parfaitement qu'il avait raison, et pourtant, depuis 20 années déjà, elle tentait de luter, impuissante, contre ces forces qui la dépassaient.

« Je suis désolée de vous avoir dit ça... C'est juste que... Le détachement et la résignation sont un moyen de me protéger je suppose. »

La jeune fille soupira et détailla l'infirmier du regard. Malgré son visage au traits anguleux, et ses cheveux décolorés qui lui donnaient presque l'air un voyou, il avait l'air de quelqu'un de profondément sincère et gentil.

« Avoir le contrôle, c'est quelque chose dont je rêve. Depuis toujours. Pouvoir prendre le dessus et vivre ma vie comme je l'entends... »

Cet infirmier semblait différent de tout les docteurs qu'elle avait fréquenté jusqu'à présent. Ils étaient nombreux à s'être bousculé pour avoir une chance de surmonter les mystères du « Cas Murasaki ». Il était rare qu'elle soit en présence de quelqu'un faisant preuve d'autant d'humanité à son égard.

« Si, j'ai des rêves. Mon plus grand rêve, ce serait de partir à l'étranger. Je n'ai jamais pû voyager, prendre l'avion, quitter le Japon, à cause de ma santé fragile. Je voudrais découvrir le monde... »

Elle fixa l'infirmier dans les yeux un court instant, comme pour s'assurer de sa sincérité. Quand il tendit la main vers elle, elle la prit dans la sienne. Sa paume, chaude, réchauffa ses doigts glacés. Elle n'avait même pas remarqué qu'elle était frigorifiée, dans son lit d'hôpital.
Les lèvres de la jeune fille s'étirèrent en un sourire.

« Merci. Ce que vous me dites me touche beaucoup... Mais... Vous pensez réellement pouvoir réussir à y faire quelque chose ? »

Rin était sincèrement curieuse.