Perdu dans cette foule

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Takeshi Miura & Takano Ren

5 Mai 2010, Hopital de Shibuya, cafétéria, 12h13

Avec les événements survenus récemment, je n’ai plus une minute à moi. Je me suis porté volontaire pour assurer le suivi psychologique des victimes et des personnes qui ont assistés à ces événements. Volontaire n’est pas tout à fait le mot, mes supérieurs m’ont plus ou moins demandé d’assurer ce suivi, afin de faire un constat de l’impact de ces événements sur les humains. Depuis des semaines donc, je suis partagé entre aider mes patients, voler au secours de ma protégée, et rédiger ce rapport pour mes supérieurs.

La pause que je m’accorde tous les midis est le seul moment où je peux enfin souffler un peu, moyennant que Su Jin n’ait pas besoin de moi.

Aujourd’hui, chose rare, j’ai décidé de me rendre à la cafétéria de l’hôpital pour prendre mon repas. D’habitude, je me prépare moi-même un petit bento, composé d’omurise, d’onigiri et de petits sandwiches, mais pas aujourd’hui. Non, aujourd’hui, j’ai décidé d’aller observer comment s’en sortent les humains à la cafétéria.

Puisque mon cabinet est un peu isolé du reste de l’hôpital, et que la cafétéria n’est pas un endroit où je me rends souvent, j’ai rencontré quelques difficultés à retrouver mon chemin jusqu’à la cafétéria.

Je n’aime pas les couloirs d’hôpital, j’ai toujours l’impression qu’une mauvaise nouvelle m’attend à chaque virage que je prends. Je ne sais pas si c’est l’odeur de désinfectant ou simplement la couleur froide des murs. Peut être que je ressens simplement l’angoisse des gens qui se sont trouvés ici avant moi, tout simplement. Je suis un ange gardien après tout, ma sensibilité aux sentiments des humains est dont particulièrement exacerbée.

Sur mon chemin, quelques personnes m’ont regardé bizarrement. Mais rien dont je n’ai pas déjà l’habitude. Les cheveux décolorés alors que je portais une blouse blanche, c’était toujours quelque chose qui surprenait un peu les gens. On attendait toujours des médecins qu’ils aient une tenue sobre et l’air ennuyeux. Ce n’était pas mon cas. Du moins, j’aime penser que je ne suis pas quelqu’un d’ennuyeux.

Lorsque je suis arrivé à la cafétéria, je me suis senti un peu perdu. L’endroit était bondé de monde qui se déplaçait dans tous les sens de façon désordonnée. Je voulais juste gouter la cuisine servie ici, malgré les critiques qu’on m’avait souvent fait des plats servit dans les hôpitaux, et observer un peu les humains qui déambulaient dans ces lieux.

A défaut de comprendre où je pouvais trouver à manger, je restais simplement là, à observer cette foule. Ces gens au visage fatigué, qui avaient veillé leur malade toute la nuit. Ces médecins en blouse blanche, qui quittaient cet endroit aussi vite qu’ils y étaient entré, un café dans une main, un sandwich dans l’autre. A leur air pressé, je sentais que comme moi, ils étaient débordés de travail à cause des événements récents qui étaient survenus en ville.

Mais voilà, observer les gens ne nourrit pas et le temps de pause que je m’accordais était presque écoulé. Il devenait donc urgent pour moi de comprendre le fonctionnement de ces lieux, je cherchais alors une personne à qui m’adresser pour demander conseil.

Ma journée avait commencé à 6h. Typique pour un infirmier. J’étais dans le secteur qui s’occupait des enfants : de la petite enfance jusqu’à la majorité. En faite, c’est simple. J’aime les enfants. Je m’épanouissais bien dans ce domaine et me lever les matins avec le sourire aux lèvres sachant que je vais m’occuper de petits anges. Après tout, c’était pour leur avenir que je me battais.

Ma matinée passa rapidement. J’avais du servir les repas des enfants et convaincre quelques uns de le prendre sinon ils ne deviendraient pas grand. J’avais passé un peu de temps aussi avec une petite fille qui était légèrement autiste. Elle était très calme. Elle ne s’exprimait que par des dessins. Tous les matins, j’avais le droit à deux ou trois dessins. Je la questionnais sur ses dessins car ils étaient souvent énigmatiques mais en guise de réponse je n’avais le droit qu’à son grand sourire silencieux. Ensuite, alors, que j’allais m’occuper de la balade dans le parc, car il faisait beau, de certains enfants, on vint me réquisitionner aux urgences qui étaient, comme d’habitude, surchargés.

Ma fin de matinée passa assez rapidement. Les humains étaient en faite très douillet et très inquiet pour tout ce qui concernait leur santé. J’eus à désinfecter trois quatre blessures superficielles, diagnostiquer un rhume, faire quelques radios et installer des perfusions pour les patients donc le cas était assez grave pour que nous les gardions en observation. J’eus enfin le droit à la libération : la pause déjeuné !

Je me dirigeai donc vers la cafétéria, haut lieu de la gastronomie. Oui bon je rigole, ça permettait juste d’avoir un petit moment de pause pour se requinquer et repartir au boulot l’estomac plein. Je me postai devant l’affiche qui annonçait les différents plats du jour proposés. Tout le monde allait et venait dans la cafétéria. Mais quelqu’un restait immobile au milieu de cette foule. Il ne portait pas la même blouse que nous autre infirmier, il devait être médecin ou quelque chose dans le genre. Etant une bonne âme charitable malgré que je sois un démon, j’allai vers lui pour lui proposer mon aide.

- Excusez-moi ? Je vais peut être vous paraître impoli mais vous semblez avoir besoin d’aide … C’est la première fois que vous venez ici ? Je veux dire, à la cafétéria, pas à l’hôpital …

Je jetai un coup d’œil rapide sur l’étiquette de sa blouse. Docteur Takano Ren, psychologue. Bon et bien, il devait déjà m’avoir analysé comme quelqu’un de stupide je suppose … Son visage était presque … Angélique … Et sa couleur de cheveux était assez inhabituelle pour un psychologue. Enfin, je pouvais parler, moi qui changer de couleur de cheveux presque tous les mois. Il m’expliqua qu’il n’était pas un grand habitué de la cafétéria et qu’il ne savait pas comment faire pour obtenir de quoi se sustenter. Je l’emmenai à l’affiche où je m’étais posté tout à l’heure en quête de mon futur repas.

- Alors, vous voyez, ici sont indiqués les plats que la cafétéria propose aujourd’hui avec les différentes boissons proposées mais elles, elles ne changent jamais. Ah, les sandwichs et autres sont sur la partie « snack ». Ils proposent aussi des desserts, si vous aimez les choses sucrées. Ah ! Et les prix sont indiqués ici !

Voyant qu’il était en train de choisir son plat, je me remis à faire de même. Car oui, avec tout ça, je n’avais pas encore choisi le mien ! Une fois que j’eus fait mon choix, je constatai que ce ne fut pas le cas de mon docteur.

- Excusez-moi, je vais maintenant vous laisser, j’ai fait mon choix et je reprends mon service dans une demi-heure. Bon appétit Docteur !

J’allais partir pour allé commander mon repas car à force d’attendre devant une carte remplie d’images et de noms de bons petits plats, mon estomac m’avait vite rappelé à l’ordre. J’allais donc aller commander l’élu de mon estomac quand je me senti retenu par le bras.

- Attendez ! Je ne sais toujours pas où aller ensuite et …enfin, laissez moi vous offrir un café pour vous remercier ! Pas aujourd’hui vous semblez pressé, une autre fois ?

Je fus d’abord surpris du contact. Mais ce contact me fit comprendre que je n’avais pas à faire à un simple humain. Je l’avais bien ressenti lorsqu’il m’avait pris par le bras. Et son essence ressemblait bien à mon ancienne nature : celle d’un ange. J’étais donc en train d’aider un ange. Apparemment celui-ci n’avait rien remarqué de ma véritable nature. Il faut dire qu’avec mes cheveux blonds je faisais peut être un peu marginal mais tout le monde me gratifiait sur le fait que cette couleur mettait en confiance car elle me donnait un aspect angélique. Mais jamais je n’aurai osé espérer attirer des anges comme cela ! C’était à la base destiné aux humains ! Enfin, qu’importe, je n’avais rien contre les anges. Enfin sauf contre ceux qui ont quelque chose contre moi et les humains. Principalement, mon ennemi se résumait à Dieu. Ce Dieu qui m’avait privé de mes souvenirs d’humains. Si jamais un jour cela vous arrive, vous verrez à quel point c’est incroyablement frustrant et comment l’on se sent comme dépossédé d’une partie de soi-même. Bon … Allons aider cet ange.

- Je suis désolé, je dois vous paraitre stupide, je suis médecin et même pas fichu de comprendre comment fonctionne une simple cafétéria. Quel bon à rien je fais.

Il émit un petit rire gêné du certainement à mon manque de réaction et mon regard qui avait peut être di lui paraitre méfiant. Je me repris donc et lui offrit un sourire qui se voulait rassurant.

- Ah oui pardon ! C’est de ma faute, je ne vous ai pas tout expliqué, qu’est ce que je peux être tête en l’air lorsque je suis pressé ! Hm … Le mieux serait qu’on déjeune ensemble comme ça vous n’aurez plus aucun problème ! Avez-vous choisi votre plat ?

Il repartit dans sa contemplation de l’affiche des menus puis il releva la tête vers moi et me fit singe que oui. Je le dirigeai donc vers l’endroit où l’on prenait les plateaux.

- Alors, quand vous avez fait votre choix, il faut venir de ce côté pour prendre un plateau et ses couverts … Voilà … Après, on fait la queue … Et arrivait là bas on va vous demander le plat que vous avez choisi pour vous le cuisiner rapidement … Encore là bas, on choisit sa boisson et enfin on règle !

L’attente se fit en silence. Je me demandai de quel cercle il était ? Peut être qu’il était haut placé ou qu’il savait quelques secrets sur mes souvenirs octroyés aux anges déchus ? Mais je ne pouvais décidément pas lui poser la question comme ça. Parce qu’imaginons qu’on est pas du tout les mêmes convictions et qu’il lance d’autres anges à mes trousses … Ouais là je serai vraiment mal. Il fallait que je fasse tout ça en douceur. J’allais devoir prendre mon temps et le temps c’était bien ce qui me manquait ! Avec l’Apocalypse et tout … Le sort réservé aux humains … Mes actions pour les protéger … Je pestai intérieurement contre moi-même. A vrai dire, je savais depuis longtemps que je m’étais lancé dans une course contre la montre qui tournait vite. On arriva à la caisse sans que je m’en aperçoive.

- Je vais payer votre repas ! Après tout, je vous ai obligé à manger avec moi ! Vous me paierez un café à la pause de l’après midi, étant donné qu’on a pas beaucoup de temps.