Hiro marchait tranquillement dans la rue alors qu’il venait de sortir de son café préféré, où il avait bu le meilleur thé qui soit. C’était devenu comme un rituel auquel il avait pris goût mais ça lui semblait être différent chaque jour. Il venait d’en sortir, donc, et se baladait dans la rue avant de retourner travailler. Le mois de mai venait à peine de s’écouler et celui de juin de commencer, ensoleillé. Le Chérubin se promenait tranquillement dans les rues de Tokyo, en plein centre-ville, sans prendre garde aux affiches publicitaires avec son visage dessus ou aux personnes qui se retournaient sur lui. Il était beau, avenant, il inspirait la confiance et était célèbre parmi les mannequins. C’était un atout comme une tare, malheureusement. Lui qui aimait la tranquillité était constamment dérangé, ou presque. Mais c’était la dure loi de la vie, et de son métier hein. Il y avait cependant des bons côtés bien sûr ! Il s’habillait bien, était populaire (ce qui pouvait s’avérer utile) et n’avait pas de souci financier humains. Quoi de mieux ?

Il marchait donc sans s’inquiéter de ce qui l’entourait quand il entendit des éclats de voix à quelques mètres de lui. Ce n’était pas rare que quelques incidents « humains » du genre arrivent, même si souvent ils étaient orchestrés par les démons ou les anges dans un but profitable. Il avait donc décidé d’ignorer tout ça, après tout ça ne le regardait pas du tout et s’il s’attardait là-dessus, il allait perdre du temps pour rien du tout. Mais finalement il arriva près des lieux d’où provenaient les cris et aperçut un homme penché sur une jeune fille et qui semblait très en colère contre elle. La pauvre femme était simplement assise par terre, comme si on l’y avait poussé et regardait l’autre humain l’engueuler. Pour quoi ? Il ne comprit pas vraiment mais la situation l’intrigua. Pourquoi ne faisait-elle rien ? Les créatures de ce genre avaient une forte propension à la colère et c’était étonnant qu’elle reste là sans rien faire, sans même s’enfuir en courant ou protester. Elle semblait…captivée. Loin. Alors le Chérubin s’approcha pour observer ça de plus près parce que mine de rien, c’était intéressant !

C’est alors que l’homme commença à se faire violent physiquement. Il allait la frapper ! Même s’il n’en avait que pour sa propre personne, Hiro n’allait pas laisser faire ça. Ce n’était qu’une pauvre humaine qui ne demandait rien apparemment, qui même ne l’agressait pas en ce moment. Elle ne faisait apparemment rien pour attiser sa colère, si ce n’est son immobilité. Et même s’il sentait quelque chose de différent chez elle. Rapidement, il arriva à leur hauteur et stoppa le bras de l’humain dans sa course. L’homme réagit violemment mais sa force n’était rien à côté de celle de l’ange qui aurait pu le maintenir en place avec juste un petit doigt.

« Laisse-la tranquille et va-t-en. »

Il le fixa assez méchamment pour que son adversaire se calme et abaisse son poing, alors le jeune homme lui relâcha le bras et, tout en le surveillant du coin de l’œil, se tourna vers la jeune femme à qui il tendit la main pour l’aider.

« Ça va ? »

Hiro n’avait rien d’un bon samaritain, bien au contraire. L’orgueil était un pêché qui faisait parfois son apparition en lui et contrôlait ses actions. Par chance aujourd’hui il était dans un bon jour charitable et prêt à faire sa bonne action de la semaine, voire du mois. Ce n’était pas du tout son genre de venir en aide aux opprimés, il avait déjà bien à faire avec lui-même et avec les gens de son espèce pour s’inquiéter de la misère de quelqu’un d’autre. On pourrait croire qu’en tant qu’ange il aurait un comportement exemplaire et les aiderait…loin de là. Parce que toute créature céleste n’était pas ainsi et que, de toute façon, agir de la sorte n’avait la plupart du temps qu’un but profitable par la suite.

Il ne s’était pas levé ce matin-là dans l’idée qu’il allait venir en aide à quelqu’un aujourd’hui, et surtout pas un humain. Pourquoi ? Parce que le monde était si misérable qu’aider un seul d’entre eux voudrait dire faire de même avec tous et c’était juste irréalisable. Et ce n’était pas comme s’il avait vraiment envie de les aider. Pourtant quand il vit cette jeune femme immobile devant cet homme prêt à la frapper, il ne pu s’empêcher d’intervenir. De une parce qu’il était le mieux placé et de deux parce qu’il était le plus apte à stopper le bras violent de l’agresseur. Hiro n’avait pas envie de connaître les raisons de son geste : quelles qu’elles soient, elles ne le regardaient pas du tout. Par contre il n’hésita pas à tendre la main vers la jeune fille et dire à l’opportun de s’éloigner d’eux. Le ton de sa voix était si grave et menaçant que l’homme ne se le fit pas dire deux fois et s’éloigna. Peu importe sa destinée, le Chérubin n’en avait que faire. Pour l’instant il se contenta de demander son état à la jeune femme et hocha la tête de soulagement quand elle lui assura qu’elle allait bien. Il ne semblait pas l’avoir touchée avant qu’il n’intervienne, c’était déjà ça de bien. Elle semblait si…fragile et naïve comme personne !

« Mais il faut l'aider... il était si triste et si seul et ça faisait tellement mal.. il était brisé. Il... il était en colère aussi... je... je voulais tellement... »

Hiro fronça les sourcils. Bien sûr lui il avait remarqué l’aura sombre de l’humain mais elle…comment avait-elle fait pour discerner ainsi tous ses sentiments ? Le Chérubin la regarda avec attention. Elle ne semblait pas être une créature divine, ni un démon, ni rien d’extraordinaire en somme. Juste une humaine. Mais pas une humaine comme les autres, il fallait se rendre à l’évidence. Elle savait faire quelque chose de plus que ses congénères et le jeune homme attendit qu’elle arrête de parler, curieux à présent.

« Je suis vraiment désolé, je dis n'importe quoi... enfin, je parle trop ET je dis n'importe quoi, c'est pas toujours pratique. Enfin je veux dire, il y avait un nombre raisonnable de mot, dans ma dernière phrase, mais ça ne voulait rien dire alors ça compte pas et je... »
« Je ne pense pas mais poursuivez… »

Qu’elle parle, qu’elle parle…même s’il n’aimait pas trop les personnes bavardes, là il pouvait supporter vu que ça attisait sa curiosité et que la seule façon d’en savoir plus était justement de faire parler cette jeune femme.

« BREF, je suis désolé... de... de vous avoir.. dérangé.»
« Pas le moins du monde. Mais j’aimerai savoir une chose…quitte à ce que ça vous paraisse ridicule ! Venez… »

Il la tira un peu sur le côté, la faisant bouger d’une simple pression sur son bras et les emmena dans un coin plus tranquille de la rue, loin des oreilles indiscrètes des badauds ou des créatures se baladant en ville. S’il avait quelque chose à apprendre à propos de cette jeune femme, il souhaitait que seul lui le sache et personne d’autre dans les environs !

« Vous semblez perturbée par quelque chose à propos de cet homme, n’est-ce pas ? Je l’ai remarqué. Et j’aimerai vous demander une petite chose qui peut vous paraitre absurde, si c’est le cas n’hésitez pas à me le dire. Mais…est-ce qu’il vous arrive de « ressentir » les choses ? Pas comme la tristesse ou la peur, ça c’est commun. Mais plutôt celle des AUTRES. Cet homme, là dans la rue…vous disiez qu’il avait l’air triste, brisé et en colère. Comment pouvez-vous l’affirmer ? »

Après avoir fini de parler, il se rendit compte qu’il avait peut-être poussé un peu trop loin et que ça faisait trop de questions. Et si la jeune fille ne s’était jamais rendue compte du pouvoir qu’elle possédait ? Parce qu’il était presque certain qu’elle possédait quelque chose de plus que les humains normaux ! Ce regard quand elle avait regardé s’éloigner l’homme qui pourtant l’avait attaqué, sa façon d’en parler, sa gêne quand elle s’était rendue compte que peut-être elle lui en avait trop dit à lui, l’ange…

« Je ne veux pas vous faire peur avec toutes ces questions. Ça m’intrigue. Je connais quelqu’un qui réagit un peu comme vous et je me demandais si vous étiez…pareils. Vous voyez ? Est-ce qu’il y a des choses que vous savez faire que les autres ne connaissent pas… ? »

En réalité il ne connaissait que peu de personnes susceptibles de ressentir aussi fortement les émotions. On ne peut pas dire non plus qu’il avait beaucoup de connaissances donc la liste était bien maigre. Mais il était assez érudit pour connaître tout ce qu’il y avait à savoir sur les humains « spéciaux » et plus les secondes défilaient, plus il se disait que CETTE femme avait quelque chose de différent.