Je n'avais que très peu dormi cette nuit-là, et je me doutais bien que ça ne serait pas la dernière fois. A cause d'une décision totalement absurde de ma part pendant cette nuit en question, j'allais passer des semaines dignes d'un séjour en Enfer, je le sentais bien. J'avais encore une fois agi sur un coup de tête, et j'en payais les lourdes conséquences, qui allaient changer ma vie pendant un court laps de temps, mais un laps de temps qui semblait paradoxalement déjà trop long alors qu'il n'avait même pas commencé. Je pourrais passer mon temps à maudire une certaine démone et un certain ange, ce dernier n'étant qu'à quelques mètres de chez moi, un meurtre passerait donc inaperçu... mais je me ravisai. Le tout était de rester calme... ce qui était bien évidemment pour moi totalement impossible. Je ne pouvais que penser à ce qui allait m'attendre pendant la fatale journée du vingt mai, c'est-à-dire demain. Et je ne pouvais qu'espérer que ce jour en question n'arrive jamais également, mais il semblerait que Dieu ne m'appréciait pas des masses, alors je pouvais bien compter là-dessus. Ironie, quand tu nous tiens.
Laissez-moi vous dire que, non, je n'étais pas en train d'exagérer. C'est vrai, ce n'était pas vous qui alliez devoir partager un moment de votre vie, aussi court soit-il, avec une démone, et pas n'importe laquelle. NA. Alors vous voyez bien que je n'étais point du tout en train d'exagérer, j'avais donc une réaction et un comportement tout à fait normaux et également une bonne raison voire plusieurs de ne pas rester calme. Comme si rester sagement dans son coin à essayer de relativiser était quelque chose qui me ressemblait parfaitement de toute manière.
Ainsi, malgré le fait que je n'avais pas pu fermer l'oeil de la nuit ou presque, je n'étais que très peu fatigué physiquement, merci à ma condition de semi-démon. En revanche, on pouvait très bien dire que j'étais pris d'une grande lassitude psychologique. Quelles stupides décisions je pouvais prendre parfois... J'avais donc décidé de prendre l'air, sortir de mon appartement dont l'atmosphère m'étouffait plus qu'autre chose. L'air pollué de la capitale japonaise n'était pas mieux non plus, mais c'était déjà mieux. Pendant un moment, je restais, pensif, devant l'immeuble où je résidais depuis plusieurs mois déjà. Aussi étonnant que cela pouvait paraître, il m'arrivait, pendant quelques minutes voire heures, de m'arrêter de bouger, réfléchir comme quelqu'un de normal et pas comme quelqu'un de suicidaire. Je levais les yeux vers le toit de l'immeuble en question, où, quelques heures auparavant, s'étaient passées de grandes choses qui étaient plus que perturbantes.
Au moment où je me décidais à rentrer chez moi, une voix féminine me stoppa dans mon élan. Je me retournai alors à demi pour faire face à une jeune fille, qui semblait avoir mon âge quoiqu'un peu plus jeune sûrement, d'une allure amicale et joviale... en somme, tout mon contraire en ce moment, car j'avais connu des jours où j'étais bien plus souriant envers les humains. Car c'en était une, il n'y avait pas de doutes là-dessus, vu que j'avais pris le temps d'analyser son aura assez rapidement. Je jetais un rapide coup d'oeil vers la maison qu'elle m'indiquait, tandis qu'elle se présentait comme ma nouvelle voisine. Etait-elle coréenne elle aussi ? Son nom me laissait penser ça.
«
Appelez-moi Ji Hoon. »
Ces présentations semblaient sortir de l'ordinaire pour moi, comparées à toutes les rencontres que j'avais pu faire à Tokyo au court de ces derniers mois. J'esquissais un léger sourire, tendant la main pour serrer celle de la jeune femme. Mes doigts effleurèrent à peine les siens que j'eus une sensation inexplicable, à la fois familière et tellement étrangère. Un flash blanc tellement rapide m'avait ébloui pendant une fraction de seconde. Encore plus bizarre, je me remémorai maintenant quelques passages de mon passé, ce qui eut l'effet de me mettre vite mal-à-l'aise. Et j'en étais encore à me demander ce qui venait vraiment de se passer, tandis que j'observais maintenant avec étonnement et méfiance la jeune humaine en face de moi. Enfin... humaine, l'était-elle vraiment ? Etait-ce elle l'origine de cette sensation ? Par réflexe, je fis un pas en arrière, un seul. Avait-elle vu la même chose que moi ?
Je ne pouvais m'empêcher d'avoir peur. Si elle avait vraiment vu la même chose que moi... je venais de lui révéler mon passé tout entier, ou du moins une partie.
«
Vous... n'êtes pas normale, n'est-ce pas ? »
Elle pouvait mal le prendre, effectivement. Et je ne savais comment tourner cette phrase autrement. Elle était humaine, j'en étais certain... mais vraiment différente spirituellement des autres de son espèce.