Une journée triste et morose, mais la pluie semblait être moins dense et ça sentait une accalmie. J’avais travaillé une bonne partie de la matinée, à mon nouveau bureau à la Kronos Heaven, et cet après midi, je m’étais réservé un petit temps libre. Et en flânant dans les ruelles de la ville, je m’étais rendu compte que je n’étais pas loin du studio de musique de mon colocataire coréen. Ni une, ni deux, je décidais de lui rendre une petite visite surprise, surtout que je savais qu’il n’allait pas passer la soirée avec Takeru et moi. Et c’est un Chul Hei plein de sueurs, visiblement tendu, qui m’accueillais. Mais ma venue semblait lui faire plaisir et nous nous posions sur le rebord de la scène après s’être salué. Il m’avoua avoir l’impression de faire que me croiser alors que nous vivions dans le même appartement. Je souriais et hôchais la tête à sa remarque, compréhensif.

- C’est bien vrai. Avec mon nouveau poste, j’ai eu une semaine plutôt chargé. Je n’ai pas été aussi présent que je l’aurais voulu.

Puis il demandait comment ça allais avec Miho. Avec Miho ? Et bien nous en étions arrivés à un point où nous avions vraiment du mal à nous détacher l’un de l’autre quand nous nous voyons. Mais malheureusement, ces moments n’arrivaient pas assez souvent. Je la voyais tout les jours, mais nous avions peu de temps de nous retrouver seuls. Notre dernière soirée en tête à tête avait été…merveilleuse et je n’aurais pas pu rêver mieux. Je ne souriais rien qu’à son évocation.

- Tout va…super bien.

Je le gratifiais d’un clin d’œil, Sempai avait été de bons conseils, normal que je lui fasse comprendre que je m’étais plutôt bien débrouillé. J’en été sur, il comprendrait le message 5/5. D’ailleurs il m’annonça qu’il était en couple avec Miwa. Surpris, je regardais Chul Hei pour voir s’il plaisantait, ce qui ne semblait pas être le cas. J’étais vraiment très heureux pour eux deux. Et j’appréciais beaucoup Miwa, ensemble, ils formaient un couple du tonnerre ! Je ne pus m’empêcher de taper l’épaule du coréen, un large sourire aux lèvres.

- Non ! Je n’étais pas au courant ! Mais je suis content que tu me l’apprennes. C’est vraiment chouette.

Par contre, je ne savais pas si Miwa était au courant que Chul Hei était un ange mais je n’osais poser cette question délicate. Les relations humains et anges étant formellement interdits, visiblement, je n’étais plus le seul à transgresser cette règle. Puis il me questionna sur la remise de Takeru et sa sœur à l’orphelinat. Mon visage s’assombrit immédiatement. C’était une des choses sur lesquelles je refusais de me pencher. J’avais retourné la question dans tout les sens et j’en été venu à l’idée qu’il n’y avait pas de solutions possibles. Que nous allions finir par les perdre et que de leur côté ils risquaient de le vivre comme un deuxième abandon. C’était absolument horrible et j’avais l’impression d’être impuissant face à la situation.

- Je ne sais pas. J’y ai déjà réfléchis. Envisagé les options qui s’offraient à nous. Autant cela me brise le cœur de devoir les ramener à l’orphelinat, autant je ne vois pas comment on pourrait les garder dans de bonnes conditions. Je ne veux pas leur faire de mal…mais j’ai l’impression que quoi qu’on fasse, ce sera dur. Pour nous et pour eux. Tu y as pensé toi aussi n’est-ce pas ? Si on pouvait faire quoique ce soit…


Je me taisais, la gorge serrée. Je me sentais mal. J’aimais profondément le petit bout de chou qui vivait sous mon toit. Je ne voulais pas me séparer de lui, définitivement.

Chul Hei en venait à une partie délicate. Le sort des enfants nous préoccupaient tous à ce que voyais. Mais je n’en avais jamais douté. Je savais que mon colocataire s’était tout autant attaché à Takeru et Hana que moi-même. Je l’écoutais en hochant la tête. Il me cachais quelque chose, je le sentais, et cela se confirma bien vite dans ses propos. Il avait l’air soucieux de ma réaction. Donc j’essayais de paraitre le plus possible détendu. Je n’aimais pas voir mon meilleur ami anxieux.

Mais l’annonce de la solution élaborée, me surprit pas mal je dois dire. Juste retour des choses, j’imagine, après l’annonce de la création de l’association. Moi aussi j’avais le droit d’être surpris par mon colocataire. Je restais un moment immobile et stupéfait. Et avec du recul sur la situation je me demandais comment j’avais pu ne pas en venir à cette conclusion si simple. Mais pour moi, je n’avais jamais envisagé qu’ils puissent prendre un appartement si tôt. Et aussi, je ne me l’avouais que plus tard, mais mentalement, je ne m’étais pas préparé à me retrouver seul si rapidement. Entre Takeru et Chul Hei, j’avais pris l’habitude que mon appartement soit pleins de rires, de jeux, entre mecs. C’était surtout ça qui m’effrayait. J’avais toujours Miho bien sûr. Mais je m’étais attachée à ma vie actuelle. Me séparer si vite de Takeru et de Chul Hei en même temps allait certainement me plomber le moral pendant des semaines. Je retenais mon souffle.

- Alors…vous allez…vous partez loin ?

Je pouvais reprendre ma respiration en toute tranquillité en attendant la réponse du coréen. Ils n’allaient être qu’à quelques pas de ma porte ! Je n’osais l’avouer mais cela me rassurait grandement. J’étais heureux de pouvoir continuer à faire partir de leurs vies. Certes nous nous partagerions plus la même intimité, mais je pourrais toujours les voir quand je le désirerais. Et avec la création de l’association, la libération de mon appartement permettrait des travaux auxquels je pensais déjà depuis un moment.

- En fait c’est une idée super ! C’est..l’idéal. Mais tu…vous allez y arriver. C’est une très grande responsabilité tout de même !

Puis Chul Hei me parla d’un nouveau voisin dont j’avais ordre de ne pas sauter dessus, et dont je devais m’attendre à ce qu’il me saute dessus. J’haussais un sourcil, perplexe.

- C'est-à-dire ? Ai-je pour habitude de sauter dessus les voisins ?! Chul Hei ! Quand tu me dis ça, tu m’intrigues plus qu’autre chose ! Aurais-je une raison valable de l’attaquer au moins ?

Je croisais les bras, et souriais, beaucoup plus détendu que quelques minutes auparavant. Je me sentais plus léger depuis que Chul Hei avait trouvé la solution qui semblait convenir à tout le monde. Je pouvais donc comprendre son soulagement. Ça devait être un poids en moins pour lui. Mais je savais qu’il restait tout de même tendu parce que la soirée prévue avec Miwa c’était ce soir. Bien que les choses aient l’air de se passer très différemment entre eux qu’avec Miho et moi, je pouvais ressentir ce qu’il devait endurer en ce moment. L’amour ce n’était pas quelque chose d’évident. Encore plus pour nous, anges, qui vivent notre vie décousu en immortels infatigables et insensibles au fil des années.

- Détend toi ! Je suis persuadé que cette soirée va être une merveille. En plus, tu as quelque chose en plus, l’expérience. J’imagine que moi, à coté, je dois paraitre bien nul et maladroit.

J’écoutais avec intérêt les paroles de mon colocataire. Mais il évoqua Sakuya Toya et je grimaçais. Pas parce que j’avais entendu son nom, loin de là, j’étais en très bon terme avec l’ange millénaire, mais il parla du fait qu’il pourrait apprendre la vie que nous menions. C’était une des choses auxquelles je pensais souvent. Je ne savais si je ne risquais pas plus d’exposer ma relation avec Miho en travaillant pour le grand patron des anges. J’allais me montrer encore plus prudent que d’habitude, il fallait aussi que j’en parle avec Miho. Je me passais les doigts sur mes lèvres, distrait.

- Je ne préfère pas qu’il sache. C’est quelqu’un qui a l’air très attaché aux règles.

Serait-il capable de faire en sorte de nous séparer de nos petites amies respectives humaines ? J’avais du mal à l’imaginer…mais j’avais déjà pensé à toutes les éventualités. Puis Chul Hei me parla d’un voisin qui semblait dangereux, je fronçais les sourcils. Ça ne lui ressemblait pas de sympathiser avec ce genre de personne. Mais il semblait qu’ils s’entendaient assez bien pour se supporter. Toute fois, j’étais curieux de savoir quel personnage ce mystérieux aïon était.

Puis mon ami coréen me tapota dans le dos, pour me rassurer, les premières fois en amour était toujours. Mais j’haussais les épaules. Quoiqu’il dise, je pensais qu’il était meilleur que moi. Beaucoup plus d’expériences aussi, qui lui apportaient une certaine assurance dont je ne pouvais me vanter. D’ailleurs je répondais à son chaleureux sourire. J’espérais qu’en venant ici importunément, je ne l’avais pas trop déranger, et je contribuais à le détendre. Car il aurait pu marquer sur son front « j’ai une soirée ce soir, je suis en stress totale » tellement c’était visible. Du moins, je le connaissais assez bien pour le voir clairement.

- Ça ira bien ne t’en fais pas ! Je sais que Miwa et toi …vous êtes parfaits ensemble ! Un petit couple modèle.

Je rigolais un peu en m’entendant parler de « couple ». Je n’en revenais pas moi-même de ses paroles. Sachant qu’il n’y a même pas quelques mois, quelques semaines, j’aurais été incapable de dire de telles choses. Ou alors j’aurais piqué un violent fard. Comme quoi, les gens peuvent changer, qu’importe l’âge.

- Tu ne trouves pas ça étrange ? J’arrive à en parler naturellement maintenant. Mais ça fait bizarre quand même. Ça ne fait pas longtemps que je suis descendu sur terre, mais j’ai l’impression d’en avoir plus appris sur moi-même qu’en des centaines d’années là haut.

Chul Hei me dit qu’il aurait toujours besoin de moi, même en n’habitant plus dans mon appart. J’étais rassuré en entendant ces paroles. J’avoue que j’avais eu un peu peur qu’il s’éloigne sans le vouloir, mais visiblement, il ne le souhaitait pas et ça faisait plaisir à entendre. Je souriais, heureux.

- Je ne manquerais pas une occasion de venir te rendre visite c’est sur ! Tu sais que tu peux compter sur moi, pour garder Takeru et Hana. Même si je risque d’avoir beaucoup de boulot les semaines à venir, je serais toujours libre pour vous.

J’hôchais la tête en réponse aux paroles de mon colocataire. Oui, nous étions certainement des êtres d’exceptions, défiant la loi ultime et nous savions très bien quelle en pouvais être les conséquences. Quoique, Chul Hei n’était pas l’ange gardien de Miwa, mais il était tout de même mon seul soutien dans cette affaire. D’ailleurs je repensais à cette jeune fille dont j’avais fais la connaissance, une aïon qui n’avait pas du tout accepté mes sentiments à Miho et qui, depuis, me fuyais. J’étais embêté par la situation car je commençais à la considérer comme une amie. Je me grattais la tête et chassais ces mauvaises pensées d’un coup de balai ! Ouste ! Puis Chul Hei me remercia sincèrement, et je posais une main sur son épaule.

- Je t’en prie. Les amis c’est fait pour ça non ? Tu sais très bien que tu ne me dérangeras jamais. Quoiqu’il arrive.

Je rigolais doucement en entendant ses paroles à propos de la soirée à venir. Il essayait surement de me faire rougir, mais je tiendrais bon ! J’étais plus…assuré maintenant que j’avais sauté le pas avec Miho. Lui retournant un sourire éclatant, je me pris aussi à chuchoter pour l’imiter.

- Merci pour les gâteaux, tu penses vraiment à tout mon ami ! Mais n’oublie pas, c’est VOTRE soirée hein ? Alors…juste, je sais que ça ne me ressemble pas de dire ça, mais tu devrais en profiter un maximum. Nous sommes en train de nous créer de magnifiques souvenirs.

Je me redressais, conscient que « souvenirs » impliquait forcément « perte ». Ce n’était pas bon…du tout. J’étais vraiment le dernier des gaffeurs. Dire une sottise pareille alors qu’il s’apprêtait à sortir en tête à tête avec sa bien aimée.
Je jetais un rapide coup d’œil autour de nous pour repérer d’éventuelles oreilles baladeuses. Nous n’évoquions pas beaucoup le sujet en dehors de l’appart donc je n’étais pas trop habitué. Puis je mettais mes mains dans mes poches, l’air de rien.

- J’espère aussi que je vais pouvoir un peu me retrouver avec Miho. Malgré le fait que je sens en moi, que je l’a connais par cœur, j’ai toujours un peu d’appréhension avant nos rencontres. Mais aujourd’hui, spécialement parce que je ne l’ai pas revu depuis notre dernière soirée. D’ailleurs, merci encore pour tes conseils.

Je me balançais un pied sur l’autre, puis coupait court la conversation. Aucune idée des raisons qui m’avaient poussé à évoquer un tel moment, toujours est-il que je me sentis violemment rougir. Je tentais en vain de me recomposer un visage serein et inexpressif, mais ce don semblait s’être atténué depuis quelques temps. Je n’aimais pas qu’on puisse lire mes sentiments sur mon visage, cela pouvait se révéler extrêmement dangereux. Finalement, je feintais une toux et passais à un autre sujet.

- Bon bah …j’espère que tout va bien se passer pour toi ce soir. Et ne t’inquiète pas pour les enfants, ils sont entre de bonnes mains.

Mon regard glissa vers ma montre. Ouah ! Il était déjà tard et j’avais une montagne de choses à faire. Je n’aimais pas prendre du retard.

- Je vais te laisser Chul Hei ! En tout cas, ça m’a fait plaisir de te voir ! Bah…j’imagine qu’on se verra demain soir à l’appart en tout cas. Et amuse-toi bien !

Je lui tapotais l’épaule en signe d’affection et lui faisais un petit coucou de la main. Maintenant, il fallait que je m’atèle à tout les papiers à remplir qui m’attendaient au bureau.