Parler de passion avec un ange était assez amusant, d’autant plus que notre demoiselle n’avait pas réfléchi et envisagé que Kanon puisse repartir un jour sous le joug d’un certain maître, mais elle n’y pourrait rien et ne préférait pas y penser. Passionné de littérature étrangère et quoi de mieux pour intéresser davantage la petite humaine qui elle aussi appréciait la lecture ? Elle ne dit rien, préférant laisser le silence s’installer de nouveau, se torturant à penser à un possible « nous » avec l’ange. Elle voulait en avoir le cœur net et fini par le piéger, vile tentatrice qu’elle est ! Un doux baiser qui ne fut pas approfondi auquel le serveur ne voulut pas mettre fin. Une fois de plus ce fut Miho qui se détacha de lui, se levant en baragouinant quelques excuses et allant vers le bocal. Elle était silencieuse, le poisson faisait des bulles comme pour l’avertir que l’ange était derrière elle, mais elle n’eut pas le temps de décortiquer le message codé de ce poisson stupide qu’elle se retrouva face à Kanon.

Un moment elle hésita à fuir, mais elle ne le put pas, se laissant faire, son front contre celui de l’ange qui tentait vainement de la rassurer. Après un laps de temps relativement court, mais qui avait duré une éternité pour elle, le cœur battant la chamade, n’étant pas remise de ses émotions du surement au baiser, elle l’écouta et… se mordit la lèvre pour ne pas rire. Quelle surprise… elle qui croyait avoir rêvé de ce baiser… en réalité, elle avait bel et bien senti des lèvres contre les siennes et soucieuse de faire du somnambulisme, elle avait fait un bond ! Elle prit une nouvelle fois son courage à deux mains et frissonna, relevant finalement sa bouille vers l’entité qui avait volé son cœur.

« Je… ne te pensais pas comme ça… mais, ça me rassure de savoir… que c’est autant difficile pour toi… que pour moi d’accepter cette situation. J’ai… j’ai envie d’être avec toi…, et ce…, même si je sais pertinemment que c’est interdit. »

Soufflant un bon coup, la demoiselle finit par se retourner, honteuse de ce qu’elle venait de dire, complètement rouge jusqu’au bout des oreilles. Puis elle reprit en regardant le plafond, soudainement très intéressant. Il n’y avait rien à dire, leurs comportements se ressemblaient, mais Miho gaffait peut-être un peu plus que l’ange… qui en l’encourageant dans ses gestes, dans ses tentatives de séduction allait finir par céder.

« Mais… d’un autre côté je… je m’en voudrais à mort s’il devait t’arriver quelque chose par… par ma faute… »

Son cœur était plus calme, ayant repris un rythme normal tandis que sa tête était sur le point d’exploser tant elle avait mal à force de réfléchir à une éventuelle solution. S’il n’y avait pas d’enfant, était-ce toujours mal de fréquenter une humaine ? Une promesse… qui ne durerait que le temps que Miho rende son dernier souffle ? Pourquoi diable ces relations étaient prohibées ? N’osant pas se tourner, la Nippone alla finalement vers le canapé. Puis elle essaya de faire dans l’humour, histoire de détendre une nouvelle fois l’atmosphère bien qu’elle désirait toujours autant voir même, bien plus la présence de Kanon à ses côtés. Ce baiser n’avait fait qu’accroitre la flamme grandissante de son amour pour lui… au feu… les pompiers… Miho est en train de bruler !

« Je… hm… ton poisson essayait de me faire du morse avec ses bulles… »

Oui… ça c’était bel et bien vrai, à croire qu’il l’avait adopté et qu’il regardait un peu trop souvent la télévision… la faute de Kanon surement, un poisson ne peut pas allumer tout seul l’engin… cela dit, elle rit légèrement, relâchant la pression doucement, puis soupira, arrivant peu à peu à relever son visage, beaucoup moins rouge du coup, vers l’ange. Est-ce qu’il avait vraiment apprécié ? Ou bien il voulait tout simplement essayer ? Tant de questions qui lui passaient par la tête et qu’elle ne voulait poser pour rien au monde ! La lycéenne croisa ses jambes, mettant le coussin sur ces dernières pour ensuite poser sa tête sur l’épaule de Kanon, très lentement… comme si elle était persuadée qu’il allait se lever, qu’il refuserait tout contact.

« Est-ce… est-ce que tu m’en veux ? Je veux dire… qu’on soit… dans cette situation… c’est ma faute après tout… »

Elle en tous les cas, elle s’en voulait terriblement et ne cessait de penser qu’ils allaient tout droit dans un gouffre. Malheureusement, elle ne pouvait pas reculer, du moins plus maintenant, et se saisit de la main du serveur pour entremêler doucement ses doigts, lentement, frissonnant. Mille et une questions lui trottaient dans la tête et pourtant, elle se refusait de les poser, bien que ce ne fût pas l’envie qui manquait.

« Tu… as déjà ressenti… ça ? »

Une question, une qui avait réussit à échapper à sa vigilance et qui lui fit manquer de souffle, comme si c’était interdit, comme si elle mourait en quémandant si elle était la seule et unique, jalouse… quelque peu, mais surtout désireuse d’être la seule qu’il ait pu regarder de cette façon… en avait-il eu seulement le temps ? Est-ce que sa vie d’humain lui manquait ? Est-ce qu’il voulait rattraper le temps qu’il avait perdu ? Est-ce qu’avoir des enfants aurait été dans ses projets d’avenir ?

« Si tu avais été humain… que ce soit à ton époque ou… à celle-là, qu’est-ce que tu aurais décidé… de faire de ta vie ? »

Comme paniquée, la demoiselle était presque essoufflée, ne comprenant toujours pas que son cœur lui jouait des tours à force de manquer d’air, à force de se restreindre et surtout à cause du fait que Miho soit si proche sans pouvoir réellement l’être, qu’elle repense également à ce baiser volé et à celui qu’elle avait donné à Kanon… la pauvre petite était dans tous ses états, mais s’efforçait de rester calme et surtout discrète pour ne pas ennuyer l’ange qui aurait surement autant de mal à comprendre ces spasmes.

Elle avait envie d’être avec moi-même si elle était consciente de l’interdiction. Ses paroles provoquèrent une apparente gêne chez la lycéenne puisqu’elle fuyait mon regard et recommençait à rougir. Mais ces paroles étaient justes. Nous étions dans le même état d’esprit. Chacun faisait passer la sécurité de l’autre avant ses désirs. Sauf qu’il m’était inconcevable qu’elle fasse cela pour moi, j’allais devoir m’y habituer car visiblement, la petite nippone était aussi têtue qu’une mule. Elle pensait toujours qu’il allait m’arriver quelque chose par sa faute. Je voulais faire un geste pour la rassurer, mais après tout ce qu’il s’était passé, et sa gêne, je n’osais pas. J’étais vraiment le dernier des imbéciles.

- Je te comprends. Mais s’il te plaît, essaye de ne pas t’en faire pour moi. Je sais que j’aurais du mal à te faire changer d’avis sur la question. Mais je te promets qu’il ne m’arrivera rien. Ni à toi, ni à moi.

Promesse que j’allais surement tout faire pour tenir. Il aurait été inacceptable du contraire. Je me sentais, certes impuissant devant mes sentiments, mais j’étais toujours en mesure de réagir et de me battre pour ce que je pensais être juste. Je ne lui avais pas promis que nous ne soyons pas séparés. Je savais que c’était une possibilité à ne pas exclure. J’essayais de ne pas l’envisager. Après toutes ces heures passées ensemble, la séparation ne serait que plus difficile.

Miho alla se rassoir sur le canapé et je la suivais docilement pour me poser côte à côte. Elle me signala que Phileas faisait des bulles en morse et j’esquissais un sourire. J’aimais ce côté de ma protégée. Elle tentait toujours de l’humour lorsqu’elle sentait que l’ambiance n’était pas trop bonne. Une chose dont, je l’avoue, j’étais bien incapable.

- Hum…c’est intéressant.

Machinalement, sa tête se posa sur mon épaule. Sa lenteur me surprit un peu, d’habitude elle était plus vive. Peut être avait elle peur que je me dérobe. Elle me demanda si je lui en voulais et j’haussais un sourcil, surpris de la question. Tout les deux, nous voulions trop bien faire, nous étions trop attachés l’un à l’autre et nous avions peur de nous perdre bêtement. J’en prenais conscience à ce moment là. Nous passions notre temps à nous excuser l’un l’autre. Malgré cela, je ne voulais pas que ça change. Nous étions francs l’un envers l’autre et c’était ça le plus important. Lentement, j’avançais ma main et passais une mèche de cheveux derrière son oreille. Puis je posais ma main sur son épaule.

- Ce n’est pas ta faute. Ni la mienne. Nous ne sommes pas capables de contrôler les forces qui nous contrôlent. Quand tu m’as parlé de Cupidon la dernière fois, je ne savais pas trop quoi en penser. Alors j’ai fais des recherches. Même si j’ignore toujours si ce personnage existe réellement, l’amour ressemble à ça. Une flèche qui te transperce le cœur. Et qui te change à jamais.


Même si j’étais un peu embarrassé à ce moment là, je tentais de le dissimuler tant bien que mal. Je n’avais pas honte de ce que je ressentais, mais j’aurais voulu être plus capable de gérer la chose. Même si j’ignorais si je faisais les choses bien, mes paroles venaient toujours du fond du cœur. Le silence se réinstalla pour un laps de temps très court où Miho m’attrapa la main et entrelaça ses doigts aux miens. Sa petite main si fragile et si douce dans la mienne. Rien au monde n’aurait pu me réconforter plus que ça. Encore une question, qui eu le don de me faire sourire. Les peurs de Miho m’étaient de plus en plus claires.

- Non je n’ai jamais rien ressenti de tel auparavant. C’est assez triste quand on sait mon âge. Mais je ne pouvais pas regretter quelque chose qui m’était inconnu.

A mon époque, pendant ma courte vie humaine, je n’avais jamais senti de telles choses pour une personne. Les souvenirs étaient flous mais à l’époque, nous étions très chastes et nous restions purs jusqu’au mariage. Des traditions qui s’étaient rapidement envolés. Mon retour parmi les humains n’avaient pas été sans surprise. J’étais longtemps passé pour un rustre des campagnes. Finalement je m’étais adapté sans trop de problèmes même si il m’arrivait de me sentir dépassé par la société actuelle. En fait, l’amour était la dernière chose qui me manquait pour me sentir vraiment redevenir humain. Mais c’était encore mieux que pendant ma vie d’autrefois. Plus fort, beaucoup plus fort.

Je regardais nos doigts entrelacés, perdu dans mon passé. Et je tentais de répondre au mieux aux questions de la Nippone. Soucieux de ne pas paraître trop nostalgique d’une période qui paraissait très lointaine à présent. Malgré cela, je n’oubliais pas qu’une partie était inconnue à Miho. Partie qu’elle allait finir par découvrir plus tôt que je ne le pensais.

- Je ne sais pas trop ce que j’aurais fais de ma vie. C’est assez difficile à envisager sous cet angle. A mon époque, j’aurais très probablement fini paysan, comme mon père, et le sien avant lui. Aujourd’hui, si j’étais humain, je crois que je resterais ainsi. Enfin, je finirai mes études une bonne fois pour toute et j’essayerai de trouver un travail. J’aurais aimé être humain en ce moment. Pour pouvoir…être avec toi sans nous poser de questions.

Kanon tentait tant bien que mal de rassurer la demoiselle, mais c’était en vain, comme si elle allait le croire, il était peut-être surhumain, mais il restait à ses yeux incapables de dire non, du moins, de désobéir à une volonté supérieure. Les ordres restaient les ordres et elle ne voulait pas qu’il lui arrive malheur ou qu’il prenne un coup par sa faute, que ce soit un coup direct pour sa fierté ou tout simplement un coup… physique. Mais elle soupira, légèrement moins angoissée de savoir qu’il était là et qu’il ne comptait pas la laisser assumer leur situation à tous les deux. Lorsqu’elle alla se rasseoir, elle tenta un peu d’humour, ce qui semblait arracher un sourire au damoiseau et fit battre le cœur de la Nippone un peu plus rapidement que d’ordinaire.

Rapidement elle s’en voulut, comme à son habitude, d’être aussi faible, de n’avoir pas su se taire et de n’avoir pas su anticiper ces sentiments-là. Elle demanda à son ange s’il lui en voulait et très rapidement il lui répondit que non… et qu’il avait fait certaines recherches sur ce dénommé « cupidon ». Chose qui la fit sourire néanmoins, même si l’image était assez représentative, un amour sans fin et pourtant une douleur certaine… c’était bel et bien leur situation. Miho se mordit la lèvre, jetant un œil à son presque amant, frissonnant en posant finalement une question qu’elle ne voulait pas laisser entendre à Kanon. Tant pis, elle ne pouvait plus reculer et resserrait ses doigts fins sur la main du serveur. Sa réponse était satisfaisante, d’ailleurs elle voulut rire, imaginant bien la scène lorsque le jeune homme était revenu sur terre.

« Ça a du être un choc… prostitution, exhibition, pervers… et j’en passe… ça a du te décevoir, non ? »

Vint alors le silence, reprenant ses droits, tout en plongeant le jeune couple dans l’embarras, mais refusant qu’il y parvienne, la lycéenne se mordit la lèvre avant de quémander autre chose. Elle observait le visage serein du jeune homme, se demandant à quoi il pouvait bien penser. Est-ce que ça lui manquait ? Surement et elle regrettait déjà d’avoir posé la question. Pour se faire pardonner, elle caressa le dos de la main de l’ange, frissonnant légèrement à ce contact. Il était tellement grand… tellement beau… qu’est-ce qu’il avait bien pu lui trouver ? Elle si maladroite et peut-être un peu trop rapide pour lui ? Mais écoutant sa réponse, elle sourit légèrement. La vision qui lui vint n’était pas celle de Charles Ingalls, oh non… celle d’un paysan comme on en voyait aujourd’hui dans les feuilletons, un bel homme torse nu en train de couper du bois… imaginer Kanon de cette façon, elle en frissonna, les joues légèrement rouges et se reprit immédiatement.

Les dernières paroles de l’ange lui brisèrent le cœur. Il regrettait de ne pas être humain, par sa faute… légèrement paniquée, elle se redressa, se mordant la lèvre. Elle l’aimait tel qu’il était, mais pouvait-elle vraiment lui confier cette pensée au risque de l’encourager ?

« K… Kanon… ne dis pas ça… on ne se serait pas… rencontré si tu avais été humain… tu ne m’aurais pas remarqué… et puis… tu n’aurais peut-être pas su ce qui se tramait sur terre… »

La pauvre humaine se sentait affreusement mal, imaginant ce que pouvait être sa vie sans son ange gardien, réprimant quelques larmes qu’elle se refusait de laisser rouler. Elle avait besoin de lui, plus que jamais… craquait totalement. Malgré ce qu’elle pensait, c’était beaucoup plus difficile de se détacher de lui que de se jeter dans ses bras, encore qu’actuellement elle ne veuille toujours pas être aussi proche que d’ordinaire, ne serait-ce que pour le préserver, comme si on les épier… juste au cas où. Bien sûr, ce n’était pas le cas…

« Est-ce, que… pourquoi est-ce que c’est si mal… de s’aimer ? Pourquoi est-ce qu’on devrait être puni pour ça ? Dieu n’est-il pas amour ? N’aime-t-il pas chaque chose qu’il a créée ? »

Soupirant, elle finit par s’appuyer un peu plus sur le canapé, fermant docilement les yeux pour essayer de se calmer et ne pas laisser ses émotions la dépasser. Les larmes devraient normalement déjà couler à flots et pourtant elle avait fait un effort surhumain pour que ça n’arrive pas ! Notre demoiselle ne savait vraiment plus quoi penser… que faire d’ailleurs ? Est-ce qu’elle devait rester encore et risquer d’embrasser passionnément son ange ? Elle le sentait, c’était une impasse… mais lui, voulait-il aller jusque-là ou cherchait-il une solution qui de toute évidence n’existait pas ? La lycéenne eut la tête qui tournait, se mordant la lèvre en posant sa main sur son propre front, tentant de se relever très lentement pour ne pas laisser la chose prendre de l’ampleur, mais ça n’avait déjà plus d’importance, la voilà qui se sent tombée et est incapable de voir ni d’entendre quoi que ce soit si ce n’est des grésillements. Quelques secondes plus tard qui lui paraissaient une éternité, la nippone ouvrit enfin les yeux, son corps s’était dérobé sous elle, elle n’avait pas eu le temps de comprendre qu’elle venait de faire un malaise et la première chose qu’elle vit fut évidemment l’ange qui avait du se faire un sang d’encre.

« Je suis… je suis vraiment désolé… je crois que j’ai eu ma dose ce mois-ci… »

Elle se mordit la lèvre, embarrassée, esquissant une mine désolée en se redressant légèrement pour voir si Kanon ne s’était pas trop affolé. À présent assise et beaucoup plus calme, la nipponne soupira, ramenant ses jambes contre son corps et par chance, ses collants cachaient la plus grande partie de son arrière-train… histoire de ne pas choquer le pauvre ange plus qu’il ne devait l’être ou… de ne pas lui donner d’idée et le pervertir davantage…

Miho, surprise, me demandant si ma venue sur terre avait été un choc, j’hochais la tête. Je n’avais pas vraiment été déçu, car je ne savais pas à quoi m’attendre. Seulement, j’avais été un paumé pendant quelque temps. Mais désireux d’oublier ma mésaventure avec les anges, je m’étais concentré sur mon travail, et j’avais tenté de m’adapter au mieux, en effaçant mes préjugés.

Elle m’écouta répondre à ses questions, sagement, en me caressant le dos de la main, cette sensation était agréable mais j’avais peur d’en vouloir déjà plus. Comment se concentrer sur mes paroles quand je pensais déjà à autre chose. Malgré tout, je faisais mon possible pour faire abstraction. Mais mes dernières paroles firent réagir la petite Nippone de façon inespérée. En toute innocence, je n’avais pas pensé que ces paroles pourraient la toucher, je pensais juste lui montrer que je tenais déjà beaucoup trop à elle. Malheureusement, j’étais peut être un peu trop franc, mais mentir, même par omission, j’en été incapable. Je restais un ange après tout.

Elle pensait que ne nous serions pas rencontrés si j’avais été humain. Mais, au moins, elle aurait pu vivre une vie en paix, peut être qu’il y aurait eu un autre ange gardien pour elle. Un ange qui aurait su faire son job correctement et qui l’aurait protéger sans la mettre en danger inutilement. Mon front se plissa. Après tout, peut être que ça aurait été mieux pour nous deux ? Mais je ne pouvais refaire le monde avec des « peut être ». C’était trop tard. J’étais déjà sous son emprise et je ne voulais plus m’en séparer. Quel sentiment nouveau, étrange. C’était à la fois confortable et angoissant.

Le regard perdu, avec une tristesse immense, Miho demanda pourquoi nous ne pouvions pas nous aimer librement. Je comprenais ces interrogations et dire que je ne m’étais jamais posé ces questions aurait été un mensonge. Mais je ne savais pas, je n’étais pas sur. La solution la plus simple aurait été que je redevienne humain, là, à ce moment précis. Mais j’étais mort depuis déjà bien longtemps et, je savais la chose impossible. Allions nous vivre ainsi pendant combien de temps encore ? Si notre seule difficulté était de nous cacher du reste du monde, alors je voulais bien l’endurer. Mais Miho était elle prête à de tels sacrifices ? Elle ne pourrait jamais fonder de famille tant que je serais à ses côtés et la priver de ça, je ne pouvais pas. Pourtant, en la voyant pâlir, je me taisais et je tentais de la réconforter, ma main serrant un peu plus fort la sienne.


- Je ne sais pas … mais si il y a un moyen de….Crois moi, je ferais tout mon possible pour que ça marche. Je ne veux pas non plus …te perdre pour ces histoires. Cette fois ci je ne me laisserais pas manipuler.

Est-ce que j’aurais ce courage ? Oui, je le sentais au fond de moi, cette puissance prête à sortir pour Miho. Il y avait eu une première fois, il n’y en aurait pas une deuxième. Et ceux que j’avais appelé autrefois mes frères, je ne les laisserais plus prendre contrôle de mes actes. Je n’étais plus leur gentil serviteur prêt à tout pour défendre la bonne cause. Miho avait fermé les yeux. Visiblement ce que je disais ne l’aidais pas et au contraire. Il fallait que je pense à me la fermer de temps en temps, je n’étais vraiment pas le mieux placé pour parler de ces choses. Elle se leva, et perdant au fur et mesure toute ses couleurs, elle retomba comme une plume. Affolé je me levais, m’agenouillais devant elle, à hauteur de ses genoux. Je tapotais d’une main et prenais la température sur son front de l’autre.


- Miho…Miho ?! ça va ? Qu’est ce qu’il se passe ? Tu ne te sens pas bien on dirait…ne bouge surtout pas. Je vais voir si j’ai de quoi te requinquer un peu. Ou peut être tu préfères que je t’emmène à l’hôpital ? Dis-moi quelque chose, je t’en prie !

Encore une fois, la lycéenne s’excusa. Et je soufflais, à la fois soulagé de la voir reprendre conscience et un peu agacé que la demoiselle s’excuse toujours pour un rien.


- Non, arrête de t’excuser Miho…surtout que ce n’est vraiment pas de ta faute.
J’allais chercher une compresse d’eau froide et un grand verre de jus de fruits vitaminés.

C’était le moins que je puisse faire. Revenant très rapidement, je m’asseyais sur le canapé et posa une main sur sa joue.


- Franchement…est ce que tu te nourris assez au moins ? C’est bon…ça va aller ok ? Fais le vide dans ton esprit et essaye de t’apaiser. Je suis là donc tu n’as aucun souci à te faire. On ne parle plus du passé et on oublie le futur d’accord ?

Doucement, je l’encourageais à poser sa tête sur mes genoux pour qu’elle s’allonge un moment.

C’était en craquant que notre demoiselle avait fini par avouer qu’elle ne comprenait pas ce fonctionnement, Dieu était amour et pourtant interdisait certaines relations. En y réfléchissant bien, Miho était humaine et Kanon l’avait été, certes, mais il était mort depuis un certain temps… puis, par ailleurs il enlevait toute possibilité à Miho d’avoir des enfants puisqu’elle ne souhaitait pas être avec un autre, quitte à sacrifier un bout de la vie d’une humaine normale pour pouvoir être avec lui. Visiblement, Kanon avait décidé de la rassurer et bien qu’il agisse comme un véritable ange gardien, la demoiselle n’arrivait cependant pas à imaginer le chaos qui règnerait par sa faute. Si Kanon devait être déchu, quelles en seraient les conséquences ? Elle se mordit la lèvre.

« Je… ça ne sera pas facile… j’en suis certaine… mais je ferais de mon mieux… pour ne pas nous trahir »

C’était sa façon de lui dire qu’elle était prête à n’importe quoi pour ne pas qu’ils se fassent repérer, pour qu’ils puissent mener une vie des plus saines et heureuse, mais est-ce que l’ange comprendrait sa poupée ? Elle n’eut pas le temps de se ressaisir, la tête lui tournant avec qu’elle ne tombe dans les pommes pour quelques minutes. Elle entendait plus ou moins la voix de son amant qui comme elle l’imaginait était paniqué, complètement perdu. La main de Kanon sur sa joue lorsqu’elle se réveilla la fit frissonner et le fait qu’il s’inquiétait pour elle également. Elle s’allongea contre lui, sa tête sur ses genoux, fermant les yeux pour essayer de faire le vide comme il le lui avait conseillé.

« Je mange comme il faut… et… oui tu es là… c’est déjà beaucoup… »

Sa petite voix faible se termina par un soupire avant que la lycéenne ne se remette à penser. Rien d’alarmant aux premiers abords, si ce n’est qu’elle se redressa subitement, se rendant compte qu’elle était légèrement allongée sur Kanon. Sa tête tapa contre un côté de la mâchoire du serveur et elle le regarda, inquiète de lui avoir fait mal, vérifiant que tout allait pour le mieux avant de se mordre la lèvre, son visage extrêmement proche de celui du jeune homme. C’était fou ce que son cœur battait vite lorsqu’ils étaient ainsi. Elle pouvait sentir son souffle se mêler au sien, c’était comme si ses lèvres l’appelaient. Mais elle mordilla la sienne, oubliant sa main qui était sur la joue du géant, ou plutôt la faisant glisser lentement sur son cou en une douce caresse, glissant encore un peu pour trouver refuge contre le torse du bellâtre. Ses oreilles se teintèrent de rose et ses joues la brulait temps elle se sentait stupide à l’observer ainsi, pourtant, elle en avait envie et reculer à cet instant lui était impossible, mais… elle ne pouvait s’empêcher de penser qu’il devait être mal à l’aise et surtout ne pas désirer les mêmes choses.

« K… Kanon… »

La demoiselle bégaya le prénom de son cher et tendre, frissonnant légèrement, qu’allait-elle bien pouvoir faire ? Est-ce que c’était ce qu’il voulait ? Est-ce qu’elle n’était pas en train de tenter un pauvre ange qui n’avait nulle notion en matière d’amour ? Concernant l’amour…, il l’avait rassuré, n’ayant malgré son jeune âge, connu aucune demoiselle qu’il aurait pu aimer ? En aurait-il seulement aimé une s’il avait eu plus de chance ? Pour faire taire sa jalousie, la Nippone daigna enfin frôler les lèvres de l’ange des siennes. Elle manquait déjà de souffle, ayant presque peur qu’il ne se dérobe sous ses caresses, elle n’osait plus vraiment bouger… attendant que l’homme en face d’elle prenne des initiatives, histoire qu’elle ne se sente pas seule, mais surtout qu’elle puisse reposer un tant soit peu sa tête qui était sur le point d’exploser à force de se demander s’il voulait vraiment d’elle.

Aucun mot, rien, elle ne pouvait plus parler de toute façon, le silence n’était pas pesant, bien au contraire il contribuait à une ambiance douce et volatile qui ne faisait qu’accroitre son besoin de Kanon, un besoin qui se faisait donc de plus en plus présent… et qui la consumait peu à peu. Elle n’avait plus de limite, si ce n’est bien entendu qu’elle ne voulait pas perdre ces instants si précieux et les consommer trop rapidement, voulant prendre son temps bien que le temps… lui jouait quelques tours.

Elle se sentait faible et c’est pour cela que je lui avais apporté un jus et une compresse d’eau froide, je l’encourageais à mettre sa tête sur mes genoux, pour qu’elle s’allonge et se repose un peu. Repos de courte durée car la demoiselle se releva de façon soudaine, quelques instants après, en tapant sa tête contre ma mâchoire.


- Qu’est ce que …. ?

Je ne comprenais pas vraiment pourquoi la poupée se relevait de la sorte, mais je fus coupé dans ma phrase, son visage était proche du mien, beaucoup trop proche. J’aurais du avoir le réflexe de me reculer, ne serait ce que pour la protéger. Nous étions déjà beaucoup trop compromis. Mais je pensais « a quoi bon fuir alors que j’en ai envie ? ». J’attendais la réaction de Miho, mais je savais déjà qu’elle avait une idée derrière la tête. Son regard alternant entre mes yeux et mes lèvres. Sans le vouloir j’étais déjà en train de faire la même chose qu’elle. Le silence reprit ses droits et je sentis la main de Miho sur ma joue, elle voulait s’assurer que tout allait bien et moi je me faisais surement des idées. Incapable de la moindre parole, j’hochais la tête en souriant un peu. Alors que je me figeais, Miho fit glisser lentement sa main de ma joue jusqu’à mon torse. Je retenais un frisson. J’avais l’impression qu’elle avait laissé la marque de ces doigts sur mon corps. C’était magique. Mais j’étais incapable de la moindre pensée rationnelle en ce moment. C’était tellement surréaliste, tellement fort. Elle m’appela par mon prénom, hésitante. Tiraillé entre ma conscience et mes envies, je continuais à la regarder. J’aurais voulu qu’en un seul regard elle me devine. Cet instant d’hésitations, ou chacun essayait de lire en l’autre, me sembla infiniment long. Mais Miho finit par plaquer ses lèvres contre les miennes. Ce n’était pas le doux et gentil baiser que nous avions échangé quelques instants auparavant. Certes j’étais totalement inexpérimenté, mais je pouvais sentir la différence. Son désir bouillonnant et le mien. Je n’avais jamais ressenti une telle chose avant. Ce sentiment semblait vouloir m’arracher les tripes et me dominer petit à petit. Jamais plus je ne sous-estimerais le désir. Instinctivement, je plaçais ma main au dessus de ses reins. Je voulais me sentir plus proche que je ne l’avais jamais été avec personne. La douceur de ses lèvres sur les miennes, de sa peau, non, je ne voulais rien oublier. Au fur et à mesure, je sentais mon cœur qui battait un peu plus fort dans ma poitrine. Je ne m’étais jamais senti aussi vivant, aussi dépendant d’un petit être de chair et de sang. Est-ce que j’avais le droit de demander plus ? J’entrouvrais lentement mes lèvres, demandant la permission de franchir cette barrière. Après tout, pourquoi attendre alors que nous étions déjà en train de commettre l’irréparable ! Je réveillais des sensations inconnues jusqu’alors et je jouais à l’instinct. Nos souffles entremêlés perdaient peu à peu le contrôle. Tout n’était que passion, tendresse, douceur. Nos peurs s’étaient enfouies au plus profond de nous même pour laisser place à notre désir incontrôlable.

Je rompais cet incroyable baiser, les yeux pétillants et rayonnant de bonheur. Et clôturais le tout avec un petit baiser furtif plein de malice.
A mon tour de lui caresser la joue, un petit sourire en coin qui en disait bien long. A l’intérieur je rayonnais de bonheur, refusant et bloquant mon esprit aux mauvaises ondes. J’aurais tout le temps de me prendre la tête après, sans gâcher ce moment.


- C’était..hum…intéressant !

D’humeur câline, je passais ma main dans la sienne, entrelaçant ses doigts aux miens.


- Je suis désolé ! Je ne suis pas…Je n’ai pas d’expérience pour ces choses.
Je restais tout de même assez gêné, persuadé de m’y prendre très mal.

Un baiser au fond ce n’était rien, si ce n’est l’aboutissement, la concrétisation que deux êtres s’aimaient, s’unissaient plus ou moins et mettaient en valeur leur relation intime. Un baiser… ce n’était rien de plus que deux cœurs qui se parlent, qui se comprennent et qui ne demandent qu’à battre d’un même rythme ou à se répondre, n’être plus que la moitié de l’autre. En somme, cet échange, qui était assez important avait d’autant plus de sens pour la nipponne qu’elle n’avait jamais aimé aussi fort un jeune homme dans sa tranche d’âge et qui plus est un ange… son ange gardien. Une situation plus qu’amusante et dangereuse à la fois qui procurait désir, passion, mais également crainte, effroi… que devait-elle choisir ? Elle n’en savait rien, mais avait décidé de mettre fin aux débats qui avaient lieu dans sa caboche pour laisser son cœur prendre le contrôle et la guider vers ce qu’il pensait être le mieux. Évidemment… très rapidement elle fut proche de Kanon au point d’en avoir le souffle court. Ses joues s’enflammaient, son regard était vif… alternant entre les lèvres tentatrices et si charnues de sa tendre moitié et ses yeux si sombres et pourtant dans lesquelles elle se noyait.

Les caresses que la poupée avait osées se croyant très discrète avaient fini par taire la raison de son serveur adoré qui avait à son tour posé une main délicate au creux de ses reins, lui arrachant un frisson qui la fit s’approcher davantage. C’est avec le courage qu’il lui avait donné en accomplissant ce geste d’une douceur extrême qu’elle finit par poser ses lèvres sur les siennes après une longue hésitation et surtout, avoir prononcé son nom ne serait-ce que pour se persuader qu’il n’allait pas la repousser. Un moment qui promettait d’être intense et qui était surement décisif pour la suite des évènements… elle n’aurait pas voulu gâcher ni leur temps, ni leur journée et encore bien moins ce qui les unissait à présent, ce pourquoi elle agissait avec tant de craintes et de prudence. Finalement, l’ange prit l’initiative de poursuivre, entrouvrant les lèvres de la demoiselle à l’aide des siennes, laissant le peu de souffle encore en leur possession se mêler tandis que leurs cœurs dansaient à ce nouveau contact chaud à souhait et pourtant si doux que la lycéenne se serait crue dans un rêve.

Son cœur battait si vite qu’elle le sentait à ses tempes et pour couronner le tout, le nœud qui s’était formé au niveau de son estomac avait laissé place à des papillonnements, des sensations nouvelles et ô combien appréciées par notre demoiselle. Un baiser qui n’avait rien de comparable avec les précédents et dont elle se souviendrait toute sa vie, d’autant plus qu’il s’agissait aussi du premier de Kanon, premier véritable baiser. Laissant échapper un soupire à la fin de cet échange, les joues de Miho étaient toujours aussi colorées, mais là n’était pas sa priorité, elle n’était toujours pas remise, conquise totalement, malgré le manque d’expérience de chacun, pour elle, cela n’avait eu aucune importance et bien qu’il aurait pu s’agir d’un facteur essentiel à leur plaisir, il n’y avait rien de tel que l’innocence pure pour un amour qui l’était tout autant. Rapidement la main de Kanon se saisit de celle de sa princesse, pour y entrelacer leurs doigts, ce qui fit frémir notre petite humaine, arborant un sourire plus que conquis bien qu’il soit encore assez timide. Les paroles du jeune homme la firent sourire, elle n’avait répondu jusque-là à aucune des deux interventions, mais comptait bien se rattraper.

C’est en un bref baiser sur la joue que notre demoiselle finit par le remercier, posant ensuite sa tête contre l’épaule du jeune homme, assise en face de lui, toujours et ne préférant pas affronter son regard au risque de vouloir une nouvelle fois ses lèvres et de ne plus pouvoir s’arrêter. Cette étreinte se prolongea en câlin. Mais notre ingénue se décida enfin à prononcer un mot, ne serait-ce que pour rassurer son cher et tendre qui semblait, ma foi, assez inquiet par son manque d’expérience.

« Ne dis pas de bêtise, c’était… juste parfait… je… je t’aime… »

À présent qu’elle avait la preuve de ses dires, la Nippone ne pouvait s’empêcher de le lui répéter, comme s’il allait oublier de si tôt. Sa seule crainte était qu’il ne puisse plus entendre ces mots, ces doux mots… que par sa faute, il périsse, alors elle voulait qu’il les imprime bien… qu’il les grave à jamais en sa mémoire. Finalement, elle voulut tenter de contrôler ses envies et se délogea partiellement du cou de son cher et tendre pour regarder le jeune homme. Bien que sa lèvre pincée entre ses dents témoignait de ses failles, elle ne pouvait pas se permettre de s’attarder trop longtemps et surtout, d’abuser de ce délicieux fruit qui lui avait été défendu… une histoire qui d’ailleurs lui en rappelait une autre et la fit déglutir discrètement en imaginant la punition qu’ils pourraient encourir.

« Dis… tu en penses quoi… toi ? De ce… “Nous” qu’on a… crée ? »

Question qui n’était pas anodine, jusqu’à présent, la jeune femme n’avait demandé que les peines encourues ou bien, pourquoi de telles relations étaient interdites et cette question lui brulait les lèvres, mais peu lui importait la réponse, elle savait qu’il l’aimait et ça lui était bien suffisant, peu importe les mots… il avait prononcé les plus forts qui soient… et ce à quoi elle s’attendait, bien que, ne pouvant s’empêcher d’avoir légèrement peur qu’il regrette – il s’agissait aussi d’un moyen de vérification signé Miho – n’avait nulle influence sur l’amour qu’elle lui donnait déjà, si ce n’est peut-être qu’elle pourrait lui en donner un peu plus.

Pour une fois, la petite poupée était sans voix et ne répliquais ni ne posait de questions. J’étais aux anges, sans jeu de mots, j’étais bien. Mais je savais que le temps nous était peut être compté. Je voulais profiter de ses moments au maximum, me les rentrer dans le crâne pour que plus jamais ils ne sortent. Entrelaçant ses doigts aux miens, je pouvais encore sentir toute la chaleur qui était passé entre nos deux corps. Finalement elle m’embrassa sur la joue, et je souriais, bêtement. J’en été persuadé, nous avions tout les deux les joues bien rouges et nous attendions qu’une chose…pouvoir retenter l’expérience. Mais il ne fallait pas en demander trop. C’était déjà assez éprouvant et nouveau. Et assez étrange pour que je veuille déjà recommencer. Je secouais la tête distraitement pour essayer de me sortir mes idées de la tête et reprendre pied sur terre. J’ouvrais grand les yeux quand elle m’assura que c’était parfait. Elle m’aimait.


- Moi aussi. Mon cœur t’appartient.

Je n’avais pas encore réussi à prononcer les 3 petits mots qu’elle, n’avait eu aucun problème à me dire. Pourquoi ? Bonne question. Pourtant ils illustraient parfaitement mes sentiments. Mais je ne sais pas, peut être que j’attendais une occasion, un moment fort qui me pousserais à lui dire. Qu’elle ne se méprenne pas…j’étais déjà beaucoup plus épris d’elle que je ne le pensais. Elle était juste le centre de ma misérable existence sur terre. Un point d’attache pour ne pas me laisser aller à la dérive. En me parlant, la demoiselle s’était mordu la lèvre. Et je fuyais un peu son regard plein de malice. Je savais que j’étais rapidement tenté quand il s’agissait de Miho.

Elle s’éloigna un peu de moi pour poser une question redoutable. Oui nous étions en train de nous compromettre. Oui j’étais effrayé et j’avais peur pour Miho. Et je pensais que ce « nous » qui n’aurait jamais du être, était dangereux. Aussi bien parce que j’étais incapable d’y faire quoi que ce soit, que parce qu’il nous apporterait surement des ennuis. Mais qu’est ce que sont les ennuis quand on peut les affronter à deux ? Secouant la tête une nouvelle fois, je me refusais à penser que Miho aurait pu se battre pour nous. C’était tout simplement inconcevable. Je fus parcouru d’un léger frisson que je tentais de réprimer. Je déglutissais difficilement.


- Je… « Nous »…Je ne sais pas…J’imagine que si on reste discret…tant qu’il n’y a pas de preuves…il n’y a pas de problèmes.

Je baissais la tête, honteux de ne plus savoir parler clairement. La situation en elle-même n’était pas très claire. Je posais négligemment, ma paume de ma main sur le sommet de son crâne.


- Es tu sure de toi ? Est tu consciente de tout ce que tu sacrifies en voulant être avec moi ?

Bien sûr, je pensais au fait qu’elle ne pourrait probablement jamais fonder de famille en restant aux cotés d’un être qui ne vieillit pas. Même si au final ça me faisait du mal de penser à ça, je me disais, qu’elle et moi, c’était voué à l’échec. Certes j’étais courageux et aimant, mais est ce que j’arriverais à rester à ses cotés en la voyant sacrifier sa vie pour un être comme moi ? Je ne savais pas. Je n’arrivais pas à faire le tri dans ma tête. C’étais surement du au fait qu’elle se trouvait si proche de moi, son corps comme son esprit. Je me passais maladroitement une main dans les cheveux. J’attrapais le verre de jus de fruit que je lui avais apporté et en buvait une gorgée en adressant un petit clin d’œil à ma Nippone préférée. Puis, machinalement, je regardais la pendule. L’heure était passée aussi vite ? Surpris, je me levais et plissais les yeux pour relire une nouvelle fois l’horloge. Moi ? Avoir besoin de lunettes ? Non ~


- Il va falloir qu’on se dépêche si on veut être à l’heure. Je te dépose au Lycée et je file au restaurant ?

Pure question rhétorique. Même si elle affirmait qu’elle pouvait rentrer seule, j’allais quand même l’accompagner. J’attrapais mon veston qui trainait sur une chaise.

C’était fini. Une fois dans la rue avec Miho, je ne pouvais plus être aussi proche que nous l’avions été cette matinée. Est-ce que nous aurions encore l’occasion d’être aussi « connecté » que cette fois ci ? Quoiqu’il en soit, j’étais plein de regrets. Le temps avait défilé à une allure incroyable. A croire qu’il voulait nous jouer des tours ! En respirant le peu d’oxygène que capitale offrait, je ne pus m’empêcher de penser que nous étions au début d’une nouvelle aire. Que ce n’était que le commencement de notre histoire.

Les deux tourtereaux étaient bien installés l’un contre l’autre, laissant leurs mains apaiser le feu de leurs deux cœurs qui en demandaient encore malgré ce baiser, ce premier pour tous les deux qui signifiaient tant de choses. Qu’arriverait-il s’ils donnaient suite à ce dernier ? Miho ne voulait pas le savoir, rassurant son homme puis se terra dans un silence absolu, jusqu’à ce que finalement son inquiétude reprenne le dessus. Elle ne put s’empêcher d’en faire par au jeune ange et lui demander ce qu’il pensait de ce « nous » qui existait entre eux. Elle sourit à la réponse du jeune homme, après tout il prenait des risques, mais il voulait les prendre autant qu’elle et pour cette raison elle savait qu’il n’y avait pas d’autres solutions et acceptait sagement. Elle le vit légèrement contrarier, ce qui la fit sourire d’autant plus, posant sa main sur la joue de l’ange pour qu’il la regarde en face.

« Je suis prête à sacrifier n’importe quoi pour être seulement avec toi… à chaque problème il y a une solution… et on trouvera la nôtre, d’accord ? Je… vraiment… je n’arriverais plus à vivre… sans toi… »

Se mordant la lèvre, terriblement embarrassé d’avoir enfin dit ce pourquoi elle avait énormément de mal à se séparer de lui, la nipponne détourna son regard, ne voulant pas céder une seconde fois, car cette fois-ci elle ne s’arrêterait pas. Non pas qu’elle serait prête à jouer à certains jeux qui lui étaient jusque-là défendus et auxquels elle n’avait jamais pensé, non, bien au contraire, elle conservait son innocence et sa douceur, mais de nouveaux baisers lui feraient rapidement perdre la tête et elle ne surveillerait plus l’heure… ce qui signifiait qu’elle allait rater la moitié de la journée. Une chose était certaine, la poupée pouvait être fière de son coup, elle avait menti pour ne pas aller en cours ce matin-là et elle ne regrettait pas.

Pour en revenir à ces sacrifices don l’humaine parlait, s’il s’agissait d’une famille, d’enfants… quelle importance ? Elle l’avait lui et au pire des cas, pourquoi ne pas envisager l’adoption ? Un enfant, un humain qui serait capable de comprendre les anges… et qui ne risque pas de développer des capacités surnaturelles puisqu’il ne serait pas le fruit des entrailles de Miho engendré par Kanon. Dis comme ça… la demoiselle en rêvait, mais non, elle ne voulait courir aucun risque, elle l’aimait lui et personne d’autre par ailleurs ne voulait pas ni qu’il se fasse tuer, ni se faire tuer ou risquer de mettre la vie d’un enfant innocent en jeu. Histoire de détendre un peu l’atmosphère et surtout d’embêter Kanon, le sachant assez prude, elle sourit, relevant sa bouille pour l’observer en coin.

« Puis tu sais… on pourrait envisager l’adoption au pire des cas… à moins que tu ne préfères procréer ? »

S’il n’écarquillait pas les yeux, Miho promettait de ne plus s’appeler ainsi ! Notre mini-Godzilla avait de la ressource et bien que ses pommettes soient rouges, elle était fière, une nouvelle fois d’avoir posé une question comme celle-là. L’heure tournait et elle commençait à faire la tête, ne voulant pas quitter l’enceinte rassurante de l’appartement de son cher et tendre, mais pourtant ils se résolurent à le faire. Soupirant, la demoiselle déposa un doux baiser sur les lèvres de son petit ami d’ange, s’étant mise sur la pointe des pieds, avant d’engouffrer ses mains dans les poches de sa tunique, s’étant au préalable préparé pour aller au lycée. Si elle mourait d’envie d’être proche de lui et de s’afficher à ses côtés, pour ne pas les compromettre elle fit preuve d’abstinence.

Lorsqu’elle arriva devant le lycée, notre petite démone soupira une nouvelle fois, repensant à cette journée magnifique, à tout ce qu’elle avait appris, tout ce qu’elle allait apprendre encore, aussi bien de l’ordre pratique, comme ces tendres baisers si bien maitrisés que sur l’ordre psychique, puisque notre demoiselle voulait absolument tout comprendre de l’être qui était sans doute le plus cher après sa sœur. C’est en souriant qu’elle arriva en cours, sans retard, déposant son sac pour finalement croiser ses jambes après avoir mis son uniforme. Elle ne retint que la moitié de ce qui fut dit ce jour-là… l’esprit bien occupé à ressasser les évènements plus que perturbants, mais au combien délicieux du matin. Imaginant Kanon une nouvelle fois sous sa douche… elle secoua bien rapidement la tête en se voyant déjà à ses côtés… patience Miho… tu es encore trop jeune et tu n’es pas encore prête ~